Meditations, cartesiennes et anti-cartesiennes

L'OEdipe de Freud n'a pas convaincu les hellénistes, męme s'il reste pertinent pour les cliniciens psychanalystes, par-delŕ toutes les critiques plus ou moins légitimes. Comment expliquer que Freud n'ait pas pu lire ce qui crčve pourtant les yeux dans l'OEdipe tyran de Sophocle, traversé de part en part par la question du pouvoir que des mortels se disputent et partagent dans la cité ? Pour répondre ŕ cette question, ce livre, le volume 2 d'une série intitulée Still lost in translation, se propose d'examiner la position paradoxale que Freud occupe par rapport ŕ l'héritage cartésien. En cherchant ŕ établir des évidences apodictiques, Descartes initie une seconde vague de la modernité, en nette rupture par rapport ŕ la premičre, humaniste. En délimitant le contour de nouvelles disciplines chargées d'étudier les substances cogitante et étendue, il rejette la tradition aristo-télicienne, et il écarte la praxis des mortels vivant dans la cité de ses réflexions sur l'homme. Freud n'est pas Descartes, bien sűr. Les phénomčnes qui l'intéressent, sont grevés d'une incertitude contradictoire qui peut virer ŕ la folie. Son sujet clivé, habité par plusieurs volontés irrémédiablement en conflit, est une des figures majeures de la pensée anthropologique récente. Mais cela n'empęche pas que Freud se trouve en un rapport de contre-dépendance ŕ l'égard du męme Descartes. Il le contredit, sans toutefois réintroduire ce que le philosophe a évacué : la question du pouvoir ŕ (re)distribuer, celle qui occupe justement la pensée antique. Le présent livre se termine par quelques réflexions d'ordre méthodologique et épistémologique, juste ce qu'il faut pour faire comprendre ŕ partir d'oů l'auteur du présent livre parle, l'anthropologie clinique de Jean Gagnepain.